La misère en littérature
Revenons au bac de français de ma fille. Le professeur lui a donné une liste de neuf livres à lire deux pièces de théâtre, Molière et Marivaux, et sept romans d’auteurs contemporains ayant
obtenu des prix Goncourt dans les années 2000.
Les œuvres proposées en cours de français dénuées de poésie, de personnages exceptionnels, d’élévation d’esprit, de beauté, de situations rares, n’élèvent pas les collégiens et lycéens
elles les dégoûtent de la lecture, les abrutissent, au mieux, les endorment… pendant ce temps-là, au moins, peuvent-ils rêver ! La misère, intemporelle et inhérente à toute société, déjà été
décrite et écrite depuis des centaines d’années, y est montrée sous le jour le plus gris et banal qui soit. Alors, puisque l’Éducation Nationale tient tant à plonger ses élèves dans la misère
humaine, pourquoi ne pas la lire chez les auteurs classiques Cela ferait d’une pierre sept coups constater que la misère existe, la comprendre, apprendre l’histoire, la géographie,
les mœurs d’un pays, découvrir la culture et surtout, surtout, le beau français !
Un exemple extrait d’Une journée à Londres, par Théophile Gautier, (orthographe du temps)
« … J’ai étudié de près la gueuserie espagnole, et j’ai souvent été accosté par les sorcières qui ont posé pour les caprices de Goya. J’ai enjambé le soir les tas de mendians qui dormaient à
Grenade sur les marches du théâtre ; j’ai donné l’aumône à des Ribeira et à des Murillo sans cadre enveloppés dans des guenilles où tout ce qui n’était pas trou était tache (…), mais je n’ai
jamais rien vu de plus morne, de plus triste et de plus navrant que cette vieille entrant dans un gin-temple de Londres.
(…) Quelle différence de ces lambeaux terribles aux bonnes guenilles espagnoles, rousses, dorées, picaresques, qu’un grand peintre peut reproduire, et qui font l’honneur d’une école et d’une
littérature ; entre cette misère anglaise, froide, glacée comme la pluie d’hiver, et cette insouciante et poétique misère castillane, qui, à défaut de manteau, s’enveloppe d’un rayon de soleil,
et qui, si le pain lui manque, étend la main et ramasse par terre une orange ou une poignée de ces bons glands doux qui faisaient les délices de Sancho Pança !
Au bout d'une minute, la vieille sortit de la boutique (…). Béni sois-tu, gin, malgré les déclamations des philanthropes et des sociétés de tempérance, pour le quart d’heure de joie et
d’assoupissement que tu donnes aux misérables ! Contre de tels maux, tout remède est légitime, et le peuple ne s’y trompe pas. Voyez comme il court boire à grands coups l’eau du Léthé sous le nom
de gin. Étrange humanité, qui veut que les pauvres aient toujours toute leur raison pour sentir sans relâche l’étendue de leurs malheurs !... »
N'y sont-ils pas, là, les sept coups, dans ce merveilleux texte classique méconnu Est-ce si ardu pour un élève qui passe son bac de français qu’il ne puisse le comprendre.
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