Je ne vais pas à la plage cet été. Je ne vais jamais à la plage l’été. Je n’aime pas ça, pour toutes les raisons qui font que ceux qui y vont aiment ça : le soleil qui brûle, le sable dans le
sandwich, l’eau froide, la glace qui fond sur les doigts, les vacanciers en maillots de bains, les serviettes de bain sur lesquelles on se tort le cou pour arriver péniblement à lire son livre
et, aberration des aberrations : exposer au soleil une peau gluante d’écran solaire au lieu de se mettre à l’ombre fraîche d’un arbre !
J’aime la plage l’hiver, sous un ciel gris plombé, emmitouflée dans un pull de laine. Je sais, je suis une forte tête. J’assume.
Mais toi qui aime les torticolis, les frisbees, les bikinis, le clapotis, n’oublie pas de t’aimer aussi, s’il te plaît.
Parce que, d’après une enquête IFOP d’avril 2019 auprès de femmes européennes, seules 23% se trouvent assez jolies et 6% très jolies.
Quelques questions me viennent à l’esprit :
Pourquoi ce sondage n’a-t-il été fait qu’auprès des femmes ?
Les hommes ne se poseraient-ils pas la question ou n’auraient-ils pas à se la poser ?
Pourquoi les magazines féminins culpabilisent et stressent-ils encore les femmes, du premier janvier au 30 juin, en portant toute leur attention sur les régimes à faire pour glisser leurs corps
si divers dans des maillots de bains trop petits ?
Pourquoi les femmes lisent-elles encore ces articles et s’inquiètent-elles encore du regard des autres ?
Pourquoi donc croient-elles encore que les hommes soient si parfaits qu’elles ne seront jamais assez belles pour eux ?
Les hommes, comme les femmes, rêvent peut-être d’un idéal de beauté. Mais l’idéal de beauté est différent pour chacun de nous, il n’est pas celui, seul et unique, des magazines.
Ce n’est pas parce que vous serez « plus belle » que votre voisine, que le nouveau voisin engagera la conversation avec vous, par-dessus votre haie mal taillée. C’est parce qu’il aura aimé votre
« Bonjour ! » jovial, l’odeur de brûlé qui s’est un jour échappé de votre cuisine, votre sourire sympathique, votre timidité, votre humour, votre regard renfrogné sous votre gros bonnet de laine,
vos yeux expressifs, vos ongles naturels, les piles de livres que vous ramenez chaque semaine de la bibliothèque… que sais-je encore ?
Oui, que sais-je encore ? Alors, je m’arrête d’écrire et je crie à mon mari qui est dans une autre pièce de la maison :
« Doudou, pourquoi es-tu tombé amoureux de moi ? »
Il arrive, tout penaud :
« Eh, bien, je ne sais pas, moi ! »
« Allez, réfléchis ! »
« Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Je ne sais pas dire ces choses-là… Parce que tu étais différente. »
Voilà, c’est tout.
Je n’étais pas plus belle qu’une autre selon un critère de mode, de siècle, de magazine ou d’Hollywood. Mes seins n’étaient ni gros ni ronds, mon nez n’était pas droit, ma chevelure n’était pas
aussi abondante, brillante et lisse que dans une publicité. Mais j’étais différente. C’est-à-dire, j’étais celle qu’il trouvait faite pour lui.
À côté de moi, au même moment, aurait pu se trouver une créature idéale et hollywoodienne, cela n’y aurait rien changé. Un homme qui cherche un amour durable pour créer un foyer ne choisit pas le
soleil immense et unique, il choisit le simple feu de bois.
Alors, sea, sex and sun, si tu aimes ça, tant mieux pour toi ! Profite de tes vacances sans t’encombrer l’humeur à te comparer à toutes les filles et femmes de la plage. Les femmes ne sont pas
tes rivales, elles sont tes sœurs. Et si un Bachelor te demande de croire le contraire… éteins ta tablette ! Lève-toi de ta serviette de plage, prends tes imperfections et toutes tes qualités et
va batifoler dans les vagues !
Quand j’avais vingt ans, j’étais mince, jolie… et malheureuse.
Aujourd’hui, j’ai cinquante-et-un ans. Je suis trop grosse selon les critères de beauté des magazines, j’ai un bras brûlé, des vergetures au ventre dues aux grossesses et certainement des rides,
je ne sais pas, je dois changer mes lunettes bientôt ! Et je suis heureuse.
Le bonheur ne viendrait donc ni du physique, ni de la jeunesse, ni du bikini ? En voici une bonne nouvelle !
Gabrielle Dubois©
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