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Extrait de La muse (Louise 1)

Extrait de livre

Extrait de Louise, tome 1, La muse

 

"... Absorbée par sa lecture, Louise ne vit pas Richard Chevalier entrer dans le salon.

- Bonjour mademoiselle Saint-Quentin, dit-il en s’inclinant devant elle, un grand sourire de gagnant sur son visage.

- Bonjour monsieur Chevalier, dit-elle, surprise, laissant tomber son livre.

Elle posa ses pieds au sol et se pencha pour ramasser le livre. Chevalier se pencha en même temps qu’elle et leurs visages se retrouvèrent tout près l’un de l’autre, faisant monter le rouge aux joues de Louise.

- Bonjour Richard, dit Karl en arrivant.

Chevalier et Louise se levèrent en même temps. Louise était gênée, mais Chevalier avait un aplomb à toute épreuve.

- Bonjour, maître Karl.

- Le loup serait-il dans la bergerie, Richard ? reprit Meyer.

- N’allons pas si loin, mon ami.

- Tant que nous sommes ici, dit Meyer qui s’était radouci, vous pourriez peut-être parler tous les deux de votre affaire. Quand nous en aurons fini avec cela, je vous emmène déjeuner au Petit Moulin Rouge, j’ai réservé un salon, chez Auguste Escoffier.

- Nous ferons comme vous le déciderez, Karl.

- Bien asseyons-nous mon ami, dit Meyer.

- Racontez-moi votre histoire, mademoiselle, dit Chevalier qui se tourna vers Louise. Voyons ce que je peux faire pour vous.

- Je vous remercie, vous êtes très serviable.

Louise raconta son histoire à qui l’écouta avec attention…

- Ainsi donc, vous menez seule ce grand domaine depuis des mois ?

- Oui, enfin, j’ai la chance d’avoir un intendant très compétent et dévoué. Mon rôle se résume à faire attention à l’héritage de mon frère. Ce qui est le plus difficile, en fait, ce sont tous ces rapaces qui en ont après mes terres et qui veulent…

- Oui ?

- Non, rien, voilà. Vous savez tout monsieur.

- Pourquoi vouloir retrouver votre frère ? demanda Chevalier.

- Comment, pourquoi ? demanda Louise, levant vers Richard un regard surpris.

- Oui, vous me semblez très bien vous en sortir toute seule et le domaine vous reviendra bientôt.

- Non, je vous l’ai dit, c’est Georges l’aîné, c’est un garçon, enfin, et comme si cela n’étaient pas des raisons suffisantes, mon père a légué les terres par testament à mon frère seul.

Karl intervint :

- À quoi pensez-vous Richard ?

- Louise, vous avez fait entamer une enquête officielle pour la recherche de votre frère, n’est-ce-pas ?

- Oui, c’est monsieur le Ministre de l’Intérieur de Meunière qui l’a prise en main, répondit Karl Meyer.

- Rien que cela ? Qu’est-ce que l’on ne peut pas obtenir quand on est une si…

- Poursuivez, Richard, le coupa Karl, d’un sourire entendu. Quelle est votre idée ?

- Voici la loi : si une personne disparue n’est pas retrouvée après un an d’enquête officielle, alors elle peut être déclarée comme morte.

Louise frémit. Karl se leva et posa ses mains sur ses épaules pour la soutenir.

- Je ne vois pas où vous voulez en venir, monsieur Chevalier, dit-elle, tremblante.

- Georges officiellement mort, le domaine vous revient de droit. Et vous en faites ce que bon vous semble. Vous pouvez vous marier et votre mari vous le prendra ; le garder pour vous, ou le vendre, ou ce que vous voulez.

- Mais, reprit Louise d’une voix vacillante, je croyais que vous alliez m’aider à chercher mon frère, monsieur Chevalier ? Je ne comprends pas.

- Je peux vous aider à le chercher, sans problème. Je donne le signalement de votre frère à chacun de mes capitaines de navires et d’ici un an, je pourrai vous dire si on l’a retrouvé ou non, mais de toute façon, cela ne sera plus la peine de chercher.

- Oui, faites donc cela, s’il vous plaît, murmura Louise au bord des larmes.

- Très bien, mademoiselle, je m’y attèle dès aujourd’hui ! dit Chevalier qui s’emportait. Mais je ne vous comprends pas ! Voici un frère qui vous a abandonnée, qui a abandonné ses terres. Et vous, vous voulez lui servir sur un plateau, et vos terres, et une sœur toute dévouée qui perdra tout ! Vous y perdrez votre liberté ! C’est bien cela que vous voulez ?

- Oui, c’est cela, monsieur Chevalier, dit Louise, tremblante, retenant ses larmes, avec peine.

- Ce n’est pas du tout dans votre intérêt, vous vous en rendez compte, au moins ? Très peu de femmes ont la chance d’être financièrement indépendantes, et vous, vous voulez tout céder à un ingrat ?

Louise baissa la tête, ce qui irrita encore plus Richard Chevalier. Il n’aimait à s’entretenir qu’avec des personnes fortes, qui ne capitulait pas devant la vie. Louise ne l’avait pas laissé indifférent, et il se demanda ce qui pouvait bien l’attirer chez cette jeune fille qui semblait, à ce moment-là, soumise. Il se leva :

- Les femmes seront toujours un mystère pour moi ! Mais je crois que je ne pourrai jamais rien vous refuser, mademoiselle. Karl, je suis en train de m’échauffer, puis-je me rafraîchir avant de sortir ?

- Vous connaissez le chemin, Richard. Nous vous attendrons ici, au salon.

Chevalier sortit et Karl s’assit aux côtés de Louise, lui tendant un mouchoir :

- Je ne vous comprends pas non plus, ma douce. Pourquoi vouloir à tout prix retrouver Georges, après ce que Richard vous a appris ?

- Peut-être Georges est-il toujours en vie et ne peut-il pas rentrer ? Si je le déclare mort, je n’ai plus de famille, plus personne. Georges est vivant, il ne peut juste pas rentrer pour le moment, mais quand il rentrera, il me verra, il me dira qu’il regrette tout ce temps perdu et me demandera si je veux bien être sa sœur, et nous vivrons ensemble comme une famille. Oui, c’est comme cela que ça se passera.

- Depuis quand vous êtes-vous mis cette idée en tête, gentille Louise ?

- Depuis aussi loin que je me souvienne, monsieur Meyer.

- Très bien. J’insisterai auprès de Richard et nous ferons tout ce que nous pourrons. Cela ira, Louise ?

- Oui, je vous remercie de m’avoir mise en contact avec monsieur Chevalier.

- Tout le plaisir est pour moi, mademoiselle, dit Chevalier, la voix radoucie, sur le pas de la porte. Comme je vous l’ai dit, je ne vous abandonne pas.

Avait-il écouté ? Karl se leva et fit lever Louise :

- Que diriez-vous d’un bon repas, ma chère ?

- Je meurs de faim ! s’exclama-t-elle, le visage rayonnant. Oh, pardon !..."

 

Gabrielle Dubois©