CUSP
Documentaire Long Métrage sélectionné au
SUNDANCE FESTIVAL 2021,
réalisé par
Parker Hill & Isabel Bethencourt
PRÉSENTATION
CUSP chronique une année de l'adolescence de trois filles qui doivent vivre et survivre dans la cruauté désinvolte d'une masculinité toxique d’une ville militaire rurale du Texas central.
CUSP, les réalisatrices
Quelques années à peine après le début de leur carrière, Parker Hill s'enorgueillit d'un film de
thèse de 2016 primé au Tribeca Festival et de publicités nationales, Isabel Bethencourt
a réalisé des vidéos pour le Wall Street Journal et GQ. Pour leur premier long métrage, Cusp, les deux cinéastes ont suivi trois filles du Texas à l'esprit sauvage dans leur transition vers l'âge
adulte. C'est un sujet familier que les deux femmes traitent d’une façon tout à fait inédite. Les deux réalisatrices filment ces adolescentes américaines comme on ne nous les a jamais montrées
avant. C’est brut, c’est terrible, c’est ― enfin ― vrai. Espérons que ce soit une prise de conscience magnifique, l’aube d’une nouvelle ère pour toutes les filles opprimées, agressées, non
considérées, non entendues dans le monde.
CUSP, la genèse
Tout a commencé dans une station-service à 2h30 du matin.
Parker Hill et Isabel Bethencourt étaient en voyage du Montana à Austin, en mission pour photographier l'été des adolescents américains. C'était leur dernière nuit, elles faisaient un dernier
plein d’essence avant de rentrer chez elles. Un pick-up est arrivée sur le parking, en trombe, musique à fond, et s'est arrêtée. Trois filles en sont sorties, pieds nus, en riant et en chahutant.
Parker et Isabel, les réalisatrices, leur ont demandé si elles pouvaient les prendre en photo, les filles les ont invitées à se baigner dans une rivière avec des amis. Après avoir traîné pendant
quelques heures, nagé dans l'eau noire et parlé de leur histoire, les adolescentes et les deux réalisatrices sont devenues amies. À la grande surprise des réalisatrices, les filles se sont
instantanément ouvertes. Les adolescentes avaient tant à dire sur leurs vies, auxquelles personne ne s’était intéressées avant. Elles étaient impatientes de se raconter, comme si, d'une certaine
manière, elles se sentaient oubliées par leur ville, leurs écoles et leurs parents.
Au lever du soleil, les filles ont ajouté les réalisatrices sur leurs comptes Instagram, et elles se sont séparées ― les réalisatrices devaient retourner au Texas.
CUSP, derrière la rencontre
Lorsque Isabel Bethencourt et Parker Hill ont rencontré ces filles drôles et pleines d'entrain, elles ont immédiatement été attirées par leur énergie débordante et leur soif de vivre ― cela leur
a rappelé la liberté de leurs nuits d'été d'adolescentes. En traînant et en photographiant ce groupe, les réalisatrices ont été frappées par la désinvolture avec laquelle les filles discutaient
de leurs expériences de harcèlement par leurs amis masculins. Elles ne parlaient que de la manière dont elles avaient géré la violence domestique, les agressions, et le fait de se rabaisser, tout
en faisant passer ces actes pour des actes courants, en riant aux blagues sexiste et en participant à la diabolisation d’autres filles.
Au premier abord, Parker et Isabel s’étaient attachées à leur liberté apparente. Mais rapidement, elles ont décelé derrière la légèreté de ces adolescentes, leurs tactiques étrangères et pourtant
familières de survie sociale. D’expérience, les réalisatrices savaient ce que l'on ressent quand on rit de commentaires blessants et que l'on passe à autre chose pour sauver la face. Mais que se
passerait-il si cela allait plus loin ? Isabel et Parker se sont demandé si ces filles continuaient toute leur vie à se mordre la langue et à accepter leur réalité, si cela commençait à avoir un
impact sur elles ? Est-ce que cela allait leur faire perdre le sens de leur identité ?
Les deux réalisatrices ont décidé alors de revenir dans la petite ville et de filmer ces adolescentes pendant un an.
CUSP, la culture sexiste
Au bout de plusieurs mois, alors que les filles s'ouvraient courageusement sur leurs diverses expériences en matière d'agression sexuelle, Isabel Bethencourt et Parker Hill ont réalisé que
chacune des filles avait été dans une situation sexuelle à laquelle elle n'avait pas consenti à un très jeune âge, que ce soit avec des garçons qu'elles connaissaient ou des hommes adultes. Ce
modèle apparemment invisible de comportement permissif et de masculinité toxique a propulsé leur reportage dans une enquête sur la relation entre des actes évidents de violence sexuelle et la
normalisation quotidienne d'une culture sexiste dans laquelle vivent ces filles.
Le viol est le crime grave le moins signalé aux USA ― 80% de ces crimes ne sont pas signalés, et les survivants de viols sont 50% plus susceptibles de souffrir de TSPT (trouble de stress
post-traumatique) que les soldats revenant de la guerre. Alors que de nombreux films sont réalisés sur les 20 % de femmes courageuses qui signalent les viols, CUSP met des visages sur
l'expérience de ces 80 % ― des adolescentes qui se réveillent chaque jour en essayant d'être des enfants comme d’autres, qui souffrent en silence un traumatisme aggravé par la culture inégale qui
commence à être reconnue aux États-Unis ― une culture des états côtiers à l’opposé des autres états. Une fois que les agressions sont normalisées, rire d'une blague sexiste ou même y participer,
est dans la continuité. La compétition entre les filles, qui cherchent à obtenir le pouvoir qu'elles peuvent trouver, ne fait que perpétuer un sentiment d'inutilité.
CUSP, la prise de conscience des femmes
Filmer un an dans l'adolescence des filles, est une aventure, mais aussi un domaine dont l'exploration et la compréhension passionnent les deux réalisatrices. En grandissant et en partageant des
histoires formatrices avec des amies proches, Isabel Bethencourt et Parker Hill avons réalisé à quel point leurs expériences passées étaient communes. D'une certaine manière, être une fille était
si traître, si isolant, qu’elles pensaient être les seules à lutter pour s'en sortir. « Sans avoir vu les miroirs de nos expériences, nous et beaucoup d'autres (filles et femmes) nous sentons
seules et incomprises. En tant que cinéastes et femmes, nous reconnaissons que la représentation dans l'art et la culture a le pouvoir d'affirmer aux jeunes filles que leur expérience a de la
valeur et mérite d'être racontée, surtout lorsqu'il s'agit d'agression sexuelle.
Nous avons eu la chance de rencontrer ces filles au milieu de la nuit, et qu’elles nous fassent assez confiance pour nous raconter leurs histoires. Nous avons réalisé que si nous ne les écoutions
pas, personne ne le ferait. Nos sujets sont plus que leur passé qu'elles n'ont pas pu contrôler, et quand d'autres personnes regarderont le film, elles se connecteront avec elles et, espérons-le,
se sentiront moins seules dans ce monde aussi. »
CUSP,
Il peut être difficile d'expliquer et de comprendre pleinement les enjeux du drame des adolescentes de certaines petites villes américaines, des réalités de leur vie quotidienne dans une
communauté à faibles revenus, d'autant plus que la plupart d'entre elles ont tendance à taire ou à avaler ce qu'elles vivent. Du langage corporel à l'expression de la personnalité sur les murs de
leur chambre, CUSP nous invite à entrer dans ce monde avec l'intimité familiale que ces trois adolescentes, Aaloni, Autumn et Brittney trouvent l’unes chez l’autre. On sent intensément les années
de réconfort entre les filles alors qu'elles se prélassent l'une sur l'autre, les jambes entrelacées sur le lit et blotties autour du téléphone de l’une d’elles. La caméra reste fixe, en
contraste avec les sujets animés et impudiques face à elle.
CUSP, la réalité de la société américaine
À l'heure où la culture rurale du Sud des États-Unis est de plus en plus déconnectée de la réalité côtière américaine et où les effets de la masculinité toxique commencent à être enfin examinés,
on ne peut s'empêcher de remarquer que les garçons sont encore et toujours les sujets en face de la caméra et au premier plan de la conversation. Isabel Bethencourt et Parker Hill dirigent enfin
la lumière de l'autre côté, celui que cette toxicité affecte : la vie souvent négligée des adolescentes.
Le film permet de découvrir les moments quotidiens et les micro agressions de la culture du viol. Comme tout le monde participe à la perpétuation et à la normalisation de ce comportement, on
oublie comment les choses devraient être, en fait. Comme le dit Brittney, "c'est comme ça ici, je ne peux rien y changer". En capturant un morceau de l’adolescence de ces quatre filles, on peut
déjà voir comment ce genre de pensée, à seize ans, a un impact sur le développement, le potentiel et l'estime de soi des filles.
CUSP en France et dans le monde
Il ne s’agit pas de regarder CUSP en voyeurs de la société américaine. L’insécurité des filles et adolescentes concerne malheureusement le monde entier dont la France :
D’après Interstats n°24 de janvier 2020, du Ministère de l’Intérieur, le nombre de violences sexuelles constatées en France en 2019 sur des personnes de plus de 14 ans est de 54100, dont 22900
viols et 31200 agressions sexuelles, soit près de 63 viols par jour et plus de 85 agressions sexuelles par jour.
Mais on sait, d’après l’ONDRP ― Observatoire National de la Délinquance et des Réponses Pénales ― que le taux
de plainte pour viol ou tentative de viol est estimé à seulement 22%.
D’autre part, le décalage temporel entre la date d’enregistrement des faits par les services de sécurité et la date réelle de commission (ou de début) des faits, est particulièrement ample pour
les violences sexuelles. Ce délai médian d’enregistrement des plaintes est beaucoup plus élevé chez les victimes mineures que chez les victimes majeures. De même, ce délai est plus élevé pour les
victimes de viols que pour les victimes d’autres agressions sexuelles. Ainsi, 50 % des dépôts de plainte pour viols sur majeurs pendant le troisième trimestre 2019 l’ont été 70 jours ou plus
après la date du viol. Ce chiffre s’élève à plus d’un an (409 jours) pour les victimes de viols sur mineurs.
Ce délai montre l’ampleur du traumatisme des victimes de violences sexuelles ou viols. Je n’ai pas pu trouver la durée de ce délai pour les personnes ne révélant de telles agressions subies dans
l’enfance, à l’âge adulte : là, il peut se passer jusqu’à une trentaine d’années.
Je remercie Isabel Bethencourt et Parker Hill d’avoir créé et réalisé le documentaire CUSP et Naomi McDougall Jones de m’avoir donné l’opportunité de participer modestement à ce beau projet.©
Gabrielle Dubois
Gabrielle Dubois (Founding General Partner de THE 51 FUND ― maison américaine de production de films écrits et réalisés par des femmes), est l’une des productrices de CUSP.
THE 51 FUND est l'un des producteurs du film CUSP.
Liens :
The51fund
Cusp le film
Festival
Sundance
#Sundance #the51fund