Pourquoi écrire des romans et pourquoi sont-ils lus ?
Gabrielle Dubois : À cause ou plutôt grâce aux crises monétaires, financières, politiques, écologiques et j’en passe. Nous laissons trop les mauvaises nouvelles envahir notre quotidien et nous
tentons en vain de porter sur nos épaules toute la misère du monde. C’est trop lourd. Chacun a grand besoin d’une soupape de sécurité, de l’espoir qu’il y ait un arc-en-ciel derrière la
grisaille, d’un bon bol de fraîcheur et c’est dans les romans qu’on les trouve, qu’on les écrive ou qu’on les lise.
Comment vous est venue l’écriture ?
G. D. : Aussi loin que je me souvienne, je me suis toujours inventée des histoires, une autre réalité dans laquelle je me sentais mieux : des histoires remplies de drames, de pays lointains,
d’amour, d’intrigues et de grands sentiments, d’évasion ; histoires dont j’étais l’héroïne ! Je n’avais jamais pensé que ces histoires deviendraient des romans jusqu’à ce que je me décide à les
écrire. Un soir, j’ai ouvert une page blanche sur mon ordinateur et le film qui était dans ma tête est devenu un livre, avec tellement de plaisir que je ne me suis jamais arrêtée. Le manque que
je ressentais s’est envolé et depuis, je me sens bien, libérée, soulagée.
D’où vous viennent vos idées ? Quelles sont vos sources d’inspiration ?
G. D. : Il me semble que l’amour, l’aventure, les grands sentiments sont ce à quoi nous aspirons tous. Alors, cela peut prendre différentes formes, selon les caractères et les inclinaisons. Mais
que ce soit de la science-fiction ou de l’historique, dans le fond restent la quête de l’amour, du bonheur, de la liberté.
Quant à mes sources d’inspiration, elles me viennent de mon amour pour le dix-neuvième siècle et de mon imagination.
Une romancière populaire ?
G. D. : Qu’entendons-nous par populaire ? Je ne trouve pas qu’il soit dévalorisant d’être appréciée du plus grand nombre. Je crois que ce qui fait le trésor d’un roman est qu’il puisse avoir une
lecture différente selon celui qui le lit. C’est d’ailleurs une des choses qui m’a en étonnée premier lieu, quand j’ai eu les impressions de mes premières lectrices : aucune n’en avait fait la
même lecture, chacune s’était appropriée l’histoire, chacune y avait vu quelque chose de différent. De même pour les personnages, chaque lecteur les juge, les critique, les aime ou les
désapprouve selon son vécu personnel, son affectif. Et c’est ce que j’aime, ce qui fait qu’un livre est intime : l’auteur l’écrit seul, le lecteur le lit seul et chacun y apporte sa sensibilité
propre.
Vos romans se lisent comme on regarde un film au cinéma.
G. D. : On dit que mes romans ont des aspects très cinématographiques. Cela ne m’étonne pas, car je commence par voir évoluer les personnages, toujours l’un par rapport à l’autre ou aux autres ;
ils se parlent, s’interrogent, se disputent, s’aiment… Quand j’écris, je ne fais que retranscrire ce que se disent les personnages dans ma tête, car je les vois effectivement comme si j’étais
devant un écran de cinéma. Et souvent, j’ai du mal à les suivre : ils parlent bien plus vite que je ne tape sur mon clavier !
De plus, une grande partie de mes romans se déroule dans des pays étrangers. Pourquoi ? Pour le rêve, le dépaysement. J’écris en premier lieu pour me faire rêver. Alors, ma cuisine, ma voiture,
mon linge à étendre dans ma maison de banlieue, non vraiment, si le bonheur y est, cela manque de poésie et il me serait impossible d’écrire sur mon quotidien ! Que répondre. L’herbe semble
toujours plus verte ailleurs ?
Mais quand avez-vous le temps d’écrire et de lire ?
G. D. : J’ai un travail nécessaire pour faire bouillir la marmite, un mari, des enfants… Il faut croire que j’ai une grande capacité de travail !
Est-ce que cela me laisse le temps de lire ? ce qui est ma première passion : oui ! Il faut lire énormément pour écrire. Ce que je lis en ce moment ? Chateaubriand, parce qu’il est tellement
mentionné chez les auteurs que je lis, que la curiosité m’a piquée et je ne le regrette pas ; parallèlement, je lis des correspondances et souvenirs d’auteurs du 19ème, parce que je suis en train
d’écrire un recueil qui va vous amuser ! Et bien entendu mon maître Théophile Gautier, encore et toujours.
Ebook ou format classique papier ?
G. D. : Je n’oppose pas livres traditionnels et internet, les deux sont complémentaires. Personnellement, je préfère le contact d’un livre papier, mais j’écris sur mon ordinateur et j’ai aussi
une tablette pour télécharger des livres dématérialisés qui ne sont plus édités. Si une partie de la jeunesse va plus facilement sur un ordinateur ou vers un ebook, pourquoi pas ? pour autant, le
plaisir de la lecture est bien là.
Et le plaisir de l’écriture ?
G. D. : Pour moi, en effet, c’est un plaisir. Je vais peut-être faire des jaloux, mais je n’ai pas le syndrome de la page blanche : j’ai tant d’histoires en tête ! Les histoires, c’est le côté «
facile ». Mais la plus grosse part du travail ce sont les recherches historiques pour bien camper mon histoire : l’Histoire avec un grand H pour y insérer mes histoires. Et si ma bibliographie
consiste en des centaines et des centaines d’heures de lecture, ce n’est pas la partie la moins intéressante de mon travail, bien au contraire ! Mes recherches historiques me donnent l’occasion
de jouer à l’aventurière : je plonge dans la lecture de livres d’époque, excitée à la façon d’un Indiana Jones. Sous la poussière des siècles, telle un explorateur, je déniche des petits trésors
de faits réels, d’anecdotes insolites qui pimentent mon histoire. Bien sûr, je lis souvent plusieurs documents dont je ne tire rien, jusqu’à découvrir la pépite que je peux utiliser pour mon
roman, mais c’est toujours passionnant, et j’adore ça !
Mais n’y a-t-il jamais de moments difficiles ?
G. D. : Oh si ! Il y a même des moments qui me font pleurer, mais vous, cela va peut-être vous faire rire : c’est quand l’aventure s’achève et que je dois quitter mes personnages ! Pour moi, ils
sont réels, ils vivent en moi et je vis en eux ; je les aime tous. Je vais vous confier quelque chose que j’ignorais avant de me mettre à l’écriture... Quand on est lecteur, on s’attache à un
personnage ou un autre, on s’identifie en partie à lui. Mais quand on est le créateur du personnage, on s’y attache comme… à soi, puisqu’ils sont une partie de soi ! Quitter mes personnages à la
dernière page, c’est une petite mort. Mais heureusement, j’ai déjà en tête l’histoire suivante qui me fait renaître et c’est une chance incroyable !
Voici la réponse qu’a donnée Gabrielle Dubois à la définition du roman d’amour et d’aventure :
« ... Je n’avais pas la moindre théorie quand je commençai à écrire, et je ne crois pas en avoir jamais eu quand une envie de roman m’a mis la plume à la main. Cela n’empêche pas que mes
instincts ne m’aient fait, à mon insu, la théorie que je vais établir, que j’ai généralement suivie sans m’en rendre compte...
Selon cette théorie, le roman serait une œuvre de poésie autant que d’analyse. Il y faudrait des situations vraies et des caractères vrais, réels même, se groupant autour d’un type destiné à
résumer le sentiment ou l’idée principale du livre. Ce type représente généralement la passion de l’amour, puisque presque tous les romans sont des histoires d’amour. Selon la théorie
annoncée..., il faut idéaliser cet amour, ce type, par conséquent, et ne pas craindre de lui donner toutes les puissances dont on a l’inspiration en soi-même, ou toutes les douleurs dont on a vu
ou senti la blessure. Mais en aucun cas, il ne faut l’avilir dans le hasard des évènements ; il faut qu’il meure ou triomphe, et on ne doit pas craindre de lui donner une importance
exceptionnelle dans la vie, des forces au-dessus du vulgaire, des charmes ou des souffrances qui dépassent tout à fait l’habitude des choses humaines, et même un peu le vraisemblable admis par la
plupart des intelligences.
En résumé, idéalisation du sentiment qui fait le sujet, en laissant à l’art du conteur le soin de placer ce sujet dans des conditions et dans un cadre de réalité assez sensible pour le faire
ressortir, si, toutefois, c’est bien un roman qu’il veut faire... ». George Sand
Merci madame, et pour vos romans d’amour et pour votre définition du roman d’amour que je fais mienne, Gabrielle Dubois.
Ce qui a amusé Gabrielle Dubois, c’est de se rendre compte qu’un autre grand auteur de romans d’amour et d’aventure l’avait déjà fait et si bien !